Burkina Faso 2015

Burkina Faso

Le guérisseur aux sachets d’eau (4) Le campement

D’abord une immensité plate balayée par les rafales de vent. Nuages de poussière ocre. Sacs en plastiques accrochés aux branches maigres des buissons. Soleil de plomb. Puis, en continuant sur la piste ensablée, les premières cabanes dont les murs de toile claquent au vent. Et la foule. C’est là, au milieu de nulle part, qu’officie le guérisseur Boulango Dabourgou.

Le campement abrite aujourd’hui plusieurs milliers d’âmes – patients et accompagnants – qui campent à la belle étoile. Mais les miracles du guérisseur n’ont pas seulement attiré des malades. Prompts à profiter de l’aubaine, des dizaines de petits commerçants se sont installé sur le site.
Marchands de bananes, de beignets, de cartes de téléphone, de mouchoirs, de fringues de seconde main, d’ombrelles et de parasols, de chaussures – « beaucoup de malades perdent leurs chaussures dans la cohue qui accompagne le passage de la première à la deuxième étape du traitement », explique une marchande ambulante –, cantines où l’on peut manger des brochettes et du riz, kiosques vendant eau chaude, café soluble et boissons gazeuses, points de chargement des batteries de portables – alimentés par des panneaux solaires –, transferts d’argent…
Deux ou trois photographes arpentent le camp et immortalisent les « miracles » du guérisseur sur des clichés qu’ils vendent sur place pour quelques francs CFA.
Un espace délimité par quelques pierres a été baptisé « mosquée », des nattes posées à même le sol attendent les fidèles pour les trois prières quotidiennes et, juste à côté, on vend de l’eau tiède pour les ablutions.
Pas d’eau courante, pas d’électricité, pas d’installations sanitaires… Préoccupés par ce rassemblement improvisé, des représentants de la municipalité se sont rendu sur le site et ont installé quelques latrines démontables, tandis que la Croix Rouge promettait des tentes que l’on attend toujours.

Un jour, une tornade, qui n’avait pas l’air bien méchante, semble vouloir traverser le campement mais dévie finalement sa course – le guérisseur l’a chassé, dit-on aussitôt – et prend la direction approximative du tamarinier sous lequel Boulango Dabourgou a eu la révélation de ses pouvoirs surnaturels.
Le lendemain, le guérisseur invite quelques notables en visite et moi-même à une sorte de pèlerinage jusqu’au grand tamarinier. Séance d’arrosage à l’eau minérale, prières, recueillement au pied de l’arbre. Puis Boulango Dabourgou demande à des habitants si, la veille, ils n’ont pas eu la visite d’un esprit. OUIIII ! Lui répond-on, une tornade est passée par là. Et tout le monde de s’esbaudir devant les pouvoirs divinatoires du mage.
Un moment après, je m’approche du tamarinier et photographie un détail du tronc. Qu’ai-je vu là ? Interroge le guérisseur. Oh, juste un nœud dans le bois et le dessin de l’écorce qui figurent vaguement un visage. Moment de stupéfaction dans l’assistance. C’est l’Esprit, tranche le guérisseur.

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