Hong Kong 2015

Chine

Retour à Hong Kong

Hong Kong. Trois jours, quatre rencontres, un constat : huit mois après la fin du mouvement, le soufflet d’Occupy Central est bien retombé.

Depuis la restitution de Hong Kong à la Chine, en 1997, l’ancienne colonie britannique est devenue « Région administrative spéciale » de la République Populaire de Chine, régie par une Loi Fondamentale – selon le modèle « un état deux systèmes » – qui garantit le respect de la liberté d’expression, d’association, de manifestation, d’opinion politique ou religieuse, entérine une économie capitaliste et prévoit l’élection d’un Conseil Législatif et d’un chef de l’exécutif.

Les prochaines échéances électorales auront lieu en 2017

Ces élections désigneront le successeur de l’actuel gouverneur, Mr Leung Chun-Ying. Pour la première fois dans l’histoire de Hong Kong, des élections auraient du avoir lieu au suffrage universel. Le projet de loi portant sur la modification du mode de scrutin comportait cependant un bémol de taille : seuls deux à trois candidats triés sur le volet et approuvés par Pékin auraient été autorisés à se présenter devant les électeurs.
Fondé début 2013, le mouvement Occupy Central with Love and Peace revendiquait, lui, des élections véritablement libre et prônait la désobéissance civile pacifique comme forme d’action en ultime recours.
Dans ce contexte, et alors que les autorités hongkongaises, alignées sur les positions de Pékin, se montrent inflexibles, étudiants et lycéens se mettent en grève (fin septembre 2014) pour réclamer des élections libres et tentent d’occuper des bâtiments administratifs. La police riposte à coup de grenades lacrymogènes et arrête plusieurs leaders de la Fédération des étudiants et de l’organisation lycéenne Scholarism. Les hongkongais descendent par milliers dans la rue pour soutenir les étudiants. Les leaders d’Occupy Central se rallient au mouvement.
Les parapluies utilisés par les manifestants pour se protéger des gaz lacrymogènes sont largement médiatisés dans la presse internationale et sur les réseaux sociaux : le Mouvement des Parapluies vient de naître. Rassemblant un éventail de sensibilités allant de l’extrême droite violemment anti-chinoise aux groupuscules de gauche en passant par les organisations étudiantes sans idéologie bien définie, les formations politiques de la mouvance pan-démocrate, des syndicats et une jeunesse qui fait l’expérience jubilatoire de l’action collective, le mouvement déborde les leaders d’Occupy Central et devient rapidement incontrôlable.
Les derniers campements d’Occupy Central sont démantelés à la mi-décembre… sans que les manifestant aient obtenu la moindre concession de la part des autorités.

Entrevue avec Han Dongfang

Interrogé à cette époque-là, Han Dongfang, emprisonné plusieurs années durant à la suite des évènements de Tienanmen et aujourd’hui directeur du China Labour Bulletin, jugeait alors que le mobilisation de la jeunesse était sans aucun doute un évènement positif et du jamais vu à Hong Kong. « Mais, tempérait-il, se battre pour des élections libres, est-ce suffisant ? Dans le camp de ceux qui se considèrent comme démocrates, beaucoup prétendent que les privatisations sont le remède contre l’inefficacité, que le marché « libre » doit réguler la société et constitue la voie royale garante de démocratie. Foutaises ! La démocratie véritable, c’est le droit des travailleurs à négocier avec leurs employeurs, face à face, sur un pied d’égalité (…) Et puis, demandait-il, pensez-vous que le Mouvement des Parapluies aurait bénéficié d’une telle couverture de la part des médias occidentaux si ce n’avait été l’occasion de glisser un caillou dans la chaussure chinoise ? Sans doute pas », concluait-il.

Huit mois plus tard…

Déception, frustration, démobilisation, contre-coup… Toutes les personnes rencontrées* emploient les mêmes mots, formulent des diagnostics similaires : les (rares) groupes de gauche actifs durant le Mouvement des Parapluies sot désorientés, ne savent pas quoi faire, ne se parlent pas et sont incapables d’envisager la constitution d’un front commun. La Fédération des Étudiants de Hong Kong, fer de lance du mouvement, a éclaté et quatre des huit organisations qui la composaient l’ont quitté. Le camp pan-démocrate est divisé et formations politiques qui le composent ne remettent pas en cause un capitalisme générateur d’inégalités abyssales. Les sentiments anti-chinois se radicalisent et font le jeux d’une extrême droite xénophobe – des touristes venus de Chine continentale ont même été agressés. Quant au rejet du projet de loi électorale par le Conseil Législatif**, il signifie un retour à la case départ et ne satisfait personne.

* Cai Chongguo : ancien de Tienanmen, vit aujourd’hui à Hong Kong, collaborateur du China Labour Bulletin / Norman Uy Carnay : expatrié philippin, militant de gauche, cadre de l’organisation Mission for Migrant Workers / Ma Wan Ki : cadre de la Ligue Social Démocrate, très engagé dans le mouvement Occupy Central / Au Loong-Yu : intellectuel de gauche, collaborateur du blog China Labour Net.
** Votée le 18 juin 2015, la loi modifiant le système électoral n’a pas obtenu les deux-tiers des voix du Conseil Législatif. Elle a donc été rejetée et les élections de 2017 devraient reprendre l’ancien mode de scrutin : des candidats élus par un panel de 1200 notables représentant essentiellement le secteur des affaires hongkongais.