Philippines 2014

Philippines

Épaves

Lors du passage du typhon Haiyan (baptisé Yolanda aux Philippines) des cargos au mouillage dans la baie de Tacloban ont été drossés sur le rivage, soulevés par les vagues, projetés au beau milieu de ce qui restait encore du barangay Anibong.
Une deux, trois, quatre, cinq, six… je découvre les épaves au fur et à mesure que j’avance dans le barangay* Anibong.

Échoués là comme dans l’attente d’une hypothétique marée qui les remettra à flot, les bateaux dominent de leur masse métallique les fragiles cabanes, construites avec les moyens du bord, qui ont repoussé tout autour sans tenir aucun compte des avis « NO BUILD ZONE » (zone interdite à la construction) inscrits en grosses lettres rouges – le barangay Anibong est un quartier populaire et ses habitants n’ont pas d’autre endroit où aller.

Je note quelques grafiti sur les coques : « WE NEED RICE » en majuscules d’imprimerie blanches. « Typhon Yolanda survivors in Segunda family », soigneusement calligraphié à l’intérieur d’un cœur. « Interdiction de déposer des ordures ici » (en tagalog). « I’m single but not available » (Je suis célibataire mais pas disponible) me laisse dubitatif : qu’a voulu dire l’auteur ?

Deux des épaves sont en train d’être démantelées par une équipe de démolisseurs. Découpés au chalumeau, les cargos sont emportés morceau par morceau et revendus au poids. Une des coques a déjà été éventrée, autopsie post-mortem, on patauge dans les entrailles noires de mazout. Sur l’autre, le dépeçage est moins avancé, les ouvriers en sont encore à démonter les superstructures : passerelle, poste de pilotage, cabines, bastingage…

Un peu plus loin, deux autres bateaux venus de Legazpi et Cagayan de Oro sont échoués à quelques encablures du rivage. Sans doute sont-ils récupérables. Une équipe – son équipage ? – semble monter la garde, probablement pour éviter les pillages.

* Le barangay, correspond plus ou moins au quartier en zone urbaine et au hameau en zone rurale. C’est une entité administrative avec, à sa tête, un capitaine de barangay. J’utilise, sans règle bien définie, le terme tagalog – il contribue à la musique du texte – ou son équivalent français.

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