Cambodge 2013

Cambodge

Les couleurs de la confection

Salaires de misère et conditions de travail déplorables génèrent la colères de ouvrières dans un secteur de la confection en plein boum.

Partie de rien au lendemain de la signature des Accords de Paris (1991), alors que le pays renaissait de ses cendres, l’industrie de l’habillement cambodgienne démarrait sur des bases prometteuses. Dès le milieu des années quatre-vingt-dix, des représentants de l’AFL-CIO, la principale centrale syndicale des États-Unis, avaient accompagné la formation des premiers syndicats et collaboré à la rédaction du code du travail. La signature de l’UCTA (United States Cambodia Apparel & Garment Trade Agreement), en 1999, tout en donnant une impulsion décisive à la filière, conditionnait l’accès au marché nord-américain, de quotas de textiles cambodgiens libres de droits, au respect des normes internationales en matière de législation du travail. A travers le programme Better Factory Cambodia (BFC), chargé de d’accompagner et d’évaluer les progrès des entreprises cambodgiennes quand aux conditions de travail, l’OIT (Organisation internationale du travail) apportait sa caution à l’expérience. Et une commission de suivi tripartite composée de représentants du gouvernement, du patronat et des travailleurs complétait le dispositif.

Marché garanti, image de marque… et bas salaires – ce dernier aspect constituant, selon le point de vue, une ombre au tableau ou un avantage comparatif déterminant.
Fin 2004, en tout cas, le secteur de la confection employait déjà quelque 270.000 salariés. Et la progression se poursuivait après la fin de l’UCTA (2005) – les fortes hausses des salaires chinois incitant de nombreuses entreprises de l’Empire du Milieu à relocaliser leur production dans les pays voisins, à moindre coût de main d’œuvre.

Aujourd’hui, plus de 400 entreprises de confection sont établies au Cambodge. Elles emploient près d’un demi-million de salariés, à 95% des femmes, et produisent des vêtements pour les principales enseignes du prêt à porter et de la grande distribution. Avec un chiffre d’affaire de 5,07 milliards de dollars en 2013, l’habillement représente 85% des exportations cambodgiennes, en hausse de 22% par rapport à l’année précédente…
… mais les conditions de travail se sont dégradées !
Le dernier rapport de BFC constate ainsi que 85% des entreprises ont recours à plus de deux heures supplémentaires par jour, six jours par semaine ; qu’il règne une chaleur excessive dans 65% des lieux de travail ; que les sorties de secours sont obstruées dans 53% des ateliers, etc.
En mai 2013, à moins d’une semaine d’intervalle, des bâtiments se sont effondrés dans deux entreprises de confection ; moins meurtrier que celui du Rana Plaza, au Bangladesh, ces accidents se sont quand même soldés par la mort de deux ouvrières et une trentaine de blessés.
Au cours de l’année écoulée, plus de 700 cas d’évanouissement dus à l’épuisement ont été enregistrés dans les entreprises de confection cambodgiennes.
Quant aux salaires, ils sont parmi les plus bas d’Asie du Sud-Est.
Résultat : en 2013, quelque 130 mouvements de grève ont affecté les entreprises de confection du Cambodge.

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