Philippines

Métro Manille (9) Ligne jaune

La mécanique est enclenchée. Le renfort inattendu de Nemo s’intègre parfaitement à mon plan et chacun des acteurs joue, pour l’instant, sa partition sans fausse note. Aussi puis-je laisser à mes compagnons – complices, dirait Nemo – la bride sur le cou et me livrer à quelques activités de repérage sur la ligne jaune.

Métro Nations Unies. A l’entrée de la station, le vigile jette un coup d’œil négligeant à l’intérieur de mon sac – j’aurais pu y cacher n’importe quoi –, je fais un grand sourire – la prochaine fois, je dissimulerai un pistolet en plastique, pour voir – et je passe, prend mon billet, composte.
Je repère deux autres vigiles, un à chaque extrémité du quai.
Coup de sifflet, la rame entre dans la station, je monte.
Central Terminal, Carriedo, Doroteo José, Bambang, Tayuman. Les stations défilent. Blumentritt…

Ferdinand Blumentritt (1853-1913), universitaire tchèque, professeur et ami de José Rizal (héros de la lutte contre la colonisation espagnole), auteur de plusieurs ouvrages de référence sur les Philippines… où il n’est jamais allé.

… Abad.Santos…

José Abad Santos y Basco (1886-1942), juriste, lors de l’occupation japonaise qui suivit la déculottée de Pearl Harbor, il refuse de quitter les Philippines pour participer à un gouvernement en exil formé.à l’instigation du général US Douglas Mac Arthur. Il sera fusillé.

… R. Papa, 5ème Avenue, Monumento – le terminus.
Je descend, marche jusqu’au rond-point, percé de quatre grandes artères (Rizal Avenue, Epifanio de los Santos Avenue, Samson Road, MacArthur Hightway), au centre duquel se dresse la colonne dédiée à Andres Bonifacio.

Andres Bonifacio (1863-1897), s’engage au côté de José Rizal dans la lutte contre le colonisateur espagnol. Après l’exécution de celui-ci, en 1892, il fonde le Katipunan (La très honorable et très respectable société des fils de la Nation), société secrète ouverte aux paysans et à la classe moyenne. Fils de petits fonctionnaires, Bonifacio affirme que la lutte pour l’Indépendance passe par la Révolution. Ce n’est pas du goût de la bourgeoisie nationaliste, qui entend bien conserver ses privilèges après l’Indépendance, l’accuse de trahison et le fait fusiller.

Demi-tour, je reprend le métro, en sens inverse – cahier sur les genoux, stylo, je note.
Monumento. Une place assise, dos à la marche. Coup d’œil circulaire. Je ne connais personne – c’est le contraire qui serait étonnant.
5ème Avenue. Je croise quelques regards, d’autres sont absents, une femme avec un éventail m’observe à la dérobée.
R. Papa. Un type maigre, il porte des lunettes noires sur le nez, un baladeur dans sa poche, des écouteurs rouges sur les oreilles, un T-shirt assorti (au rouge, pas aux oreilles), un bermuda blanc à fines rayures bleues.
Abad Santos. Mon voisin de gauche me regarde écrire, intrigué, amusé – pas moyen de passer inaperçu, faudra en tenir compte.
Blumentritt. Passé, sans le voir, le cimetière chinois.
Tayuman. Trois types, côte à côte sur la même banquette. Il s’assoupissent, leurs têtes ballottent, synchrones, droite, gauche, droite, gauche, suivant les oscillations de la rame.
Bambang. 13 heures 45 au poignet d’un passager – large cadran noir, aiguilles et chiffres (romains) verts.
Doroteo José. Un jeune mec, style étudiant, il a une poussette, une barbe, des cheveux (mi-long), la plupart des autres passagers ont aussi des cheveux, mais coupés très courts sur la nuque.
Carriedo. Je regarde dehors : des murs, des toits, des murs, la Pasig River.
Central Terminal. Rien.
Nations Unies. Un couple, ils pourraient être frère et sœur tant ils se ressemblent, lui a sa main gauche posée sur son genoux à elle qui a sa main droite posée sur sa main gauche à lui.
Pedro Gil. Rien, je fatigue.

La photo accompagnant ce texte a été prise jeudi 14 août 2014, aux abords de la station Central Terminal.

Quirino. Personne ne fraude, il n’y a pas de contrôleurs dans les rames, seulement des vigiles dans les stations.
Vito Cruz. Je me souviens d’une salle de boxe, ses fenêtres donnaient juste sur le métro, en passant, à n’importe quelle heure, on voyait des gars taper sur des sacs de sable. Je pense qu’elle a fermé.
EDSA. L’autre jour, une rame de la ligne bleue qui arrivait en bout de ligne n’a pas freiné et a terminé sa course dans la rue, il y a eu une trentaine de blessés – j’y étais, les gens semblaient contents du spectacle.
Baclaran. Terminus, tout le monde descend.

à suivre…