Récemment, j’ai lu un livre, une sorte de polar, qui m’a beaucoup plu : Barroco tropical, de l’écrivain angolais José Eduardo Agualusa.
Extrait :
« Luanda engendre des fous comme les lapines engendrent des lapereaux, avec la même joie prolifique et irresponsable.
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Lorsque dans les lointaines années 80 du siècle passé Tata Ambroise arriva à Luanda, en provenance de Kinshasa, il trouva les rues envahies par des centaines de fous. C’était presque tous des anciens combattants. Ils fouillaient dans les poubelles, à la recherche de restes de nourriture, ou ils affrontaient les automobilistes avec leur regard mort, colérique, émerveillé – selon le degré et le type de leur folie – grâce auquel ils obtenaient quelques piécettes supplémentaires. Tata Ambroise décida alors de recueillir ces hommes.
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Avec ce qu’il possédait et avec l’aide de parents et d’amis, il acheta un terrain dans les environs de Luanda et il y construisit un système compliqué de murs et encore de murs, hauts et très blancs. De longs corridors mènent à des cours exiguës, et là ils bifurquent, poursuivant ensuite en direction de nouvelles cours, et ainsi indéfiniment, dans un vertige resplendissant et jubilatoire sous le ciel pur de l’Angola. J’ai filmé dans les cours des hommes musclés, entièrement nus, la tête rasée, peinte en blanc, attachés par les chevilles au moyen de massives chaînes en fer à des moteurs rouillés et à d’autres lourdes pièces mécaniques ».
Le personnage de Tata Ambroise, raconte Agualusa dans ses remerciements, s’inspire d’un guérisseur qui opère, aujourd’hui encore, à Luanda : Papa Kitoko.
Lire Barroco Tropical m’a ainsi ramené plus de vingt ans en arrière : en 1995, lors d’un reportage en Angola, j’avais rencontré Papa Kitoko et visité son centre d’accueil et de « traitement » pour malades mentaux… Une expérience qui ne s’oublie pas !
Dortoir pour femmes au centre d’accueil de Papa Kitoko.
Au centre d’accueil de Papa Kitoko, les « traitements » sont parfois énergiques.
Messe du dimanche au centre d’accueil de Papa Kitoko.