Répondant à l’appel d’organisations progressistes et religieuses, les manifestants étaient plusieurs milliers, ce lundi 25 août, venus au Luneta Park de Manille pour signer la pétition contre la corruption organisée.
« Abolish all pork barrel », qui pourrait se traduire par : « Finissons-en avec toutes les formes d’assiette au beurre », est le mot d’ordre de la campagne visant à réunir, d’ici décembre, 6 millions de signatures (10% des électeurs inscrits) au bas de la pétition réclamant la mise hors-la-loi des fonds spéciaux dans lesquels des élus de la nation peuvent piocher sans réel contrôle.
« Pork barrel » est généralement traduit en français par « assiette au beurre », expression qui épingle des pratiques, à la limite de la légalité, par lesquelles des gens de pouvoir font usage de fonds publics (fonds spéciaux et autres caisses noires) à des fins personnelles ou électoralistes.
La corruption est un mal endémique aux Philippine – et ailleurs, voir les affaires Cahuzac ou Bygmalion –, mais le scandale du Pork Barrel proprement dit éclate en juillet 2013.
Le quotidien Daily Inquirer révèle alors que le Priority Development Assistance Fund (PDAF) – un système permettant à des élus d’obtenir des financements rapides pour certains programmes de développement locaux – fait l’objet, depuis des années, des détournements de fonds organisés.
L’enquête qui suit met à jour un système bien huilé dans lequel des sommes importantes, attribuées dans le cadre du PDAF, sont en fait alloués à des projets fantômes. L’argent transite par un réseau d’ONG bidons qui prélève son pourcentage et blanchit le reste, qui peut alors être utilisé à des fins bien éloignées du projet initial.
Le montant des détournements est estimé à 10 milliards de pesos philippins (environ 17 millions d’euros). Janet Lim Napoles, directrice du JLN Group Companies qui chapeaute le réseu d’ONG, est inculpée. Des enquêtes sont ouvertes contre plusieurs figures politiques majeures liées au précédent gouvernement de la présidente Gloria Macapagal Arroyo. Elles aboutissent à l’arrestation, entre avril et juin 2014, des sénateurs Juan Ponce Enrile, Jinggoy Estrada et Bong Revilla, ainsi que de plusieurs de leurs collaborateurs.
De son côté, la Cour suprême se penche sur la légalité du PDAF qu’elle déclare inconstitutionnel le 19 novembre 2013.
Abrogé sous l’égide de l’actuel président Benigno « Nonoy » Aquino II, le PDAF est remplacé par son clone : le Development Acceleration Program (DAP) dont la dotation est substantiellement augmentée.
Dernier rebondissement : le 1er juillet 2014, le DAP est à son tour jugé inconstitutionnel par la Cour suprême… Le gouvernement déclarant, lui, que la décision des magistrats est politiquement motivée et qu’il n’a pas l’intention de renoncer au système de fonds spéciaux.
Aujourd’hui, le mouvement « Abolish all pork barrel » considère que l’utilisation discrétionnaire de fonds spéciaux constitue une forme de corruption organisée, demande que cette pratique soit définitivement mise hors-la-loi et que ceux qui s’en rendraient coupable soient passibles de peines de prison.
La campagne « Sign-up, Stand-up against all Pork » est soutenue par de nombreuses organisations progressistes – formations politiques, syndicats, mouvements de femmes, étudiants, universitaires, associations de juristes – et par un large éventail de mouvements religieux – Association of Major Religious Superiors of the Philippines, Catholic Educational Association of the Philippines, National Council of Churches in the Philippines.