Malaisie 2015

Malaisie

Cabotage (2) Malacca (suite)

De Malacca, passé le quartier rouge brique labellisé UNESCO, j’ai arpenté pedibus le front de mer.

L’île de Melaka (Malacca) est séparée du continent par un étroit bras de mer le long duquel survivent les débris d’une forêt de mangrove. A leurs beaux jours, les palétuviers s’étendaient sans doute tout le long du littoral, comme une zone de floue, ni tout à fait la mer, ni tout à fait la terre. Mais les sociétés immobilières sont venues et, désormais, ce sont de grands hôtels et des locaux commerciaux qui colonisent le front de mer. Il en sera bientôt de même pour l’île, aujourd’hui transformée en un vaste chantier. « Revenez dans deux ou trois ans, me dit un malaisien d’origine chinoise employé d’une entreprise de construction, et vous verrez ! » Des palaces plein d’étoiles, un centre commercial, un parc d’attraction, une marina… Je lui fait remarquer que la plupart des constructions achevées – appartements, locaux commerciaux – que j’ai vu de l’autre côté du fleuve sont vides… « Il faut laisser le temps aux investisseurs ».

Ah ! Les INVESTISSEURS…

Je reviendrais, plus loin dans ce journal, à l’occasion d’une autre escale, sur la privatisation du littoral et les exclus du développement qui vont avec… mais finissons d’abord avec cet insupportable suspens : qu’est-il arrivé à l’Orkim Harmony ?

C’est un avion de l’armée de l’air australienne qui, le 17 juin dans l’après-midi, repère enfin le pétrolier à quelque 84 miles nautiques au Sud-Est de l’île de Phu Quoc, dans le golfe de Thaïlande, très au nord de la route prévue. Le bateau a été rebaptisé Kim Harmon et, sur la poupe, le numéro d’IMO (International Maritime Organization) a été badigeonné de peinture noire pour empêcher son identification. Mais ces changements cosmétiques ne peuvent tromper longtemps un observateur averti et le signalement du navire correspond bien à celui de l’Orkim Harmony.
Une unité de la marine malaisienne, le KD Terengganu, entre alors en communication radio avec le pétrolier. On lui passe le capitaine : l’Orkim Harmony est bien au mains de pirates. Ils sont huit, des indonésiens armés de revolvers et de parangs (sortes de machettes malaises), qui ont pris l’équipage en otage.
Les négociations commencent, pour tenter de convaincre les pirates de se rendre. Depuis qu’ils ont été découverts, ceux-ci ont d’ailleurs le moral en berne. Tout ce qu’ils demandent, en échange de la libération des otages, c’est un bateau, des vivres et de l’eau – tant pis pour les tonnes de fuel, ils en ont fait le deuil. On leur répond : rendez vous, vous aurez la vie sauve. Ils temporisent et, dans la nuit du 18 au 19 juin, s’enfuient à bord d’un des canots de sauvetage de l’Orkim Harmony, lui-même retrouvé le matin au large de l’île Tho Chu, dans les eaux vietnamiennes.
Les fugitifs n’iront pas loin : ils sont capturés au lever du jour par les gardes-côte vietnamiens. Leur interrogatoire permet d’apprendre que l’opération a été menée à partir d’un remorqueur, le Meulaboh, et que les huit pirates restés à bord avaient cinq complices, qui sont repartis vers la Malaisie à la recherche d’acheteurs pour leur butin – la valeur de la cargaison était estimée à 21 millions de ringgits (4,3 millions d’euros) par le porte-parole de la compagnie.
Le remorqueur abandonné a, depuis, été retrouvé près de l’île de Seloko, dans l’archipel de Riau et les cinq hommes courent toujours. Au moment où j’écris ces lignes, l’Orkim Harmony qui, ces derniers jours, était sagement mouillé au large de Malacca, a repris la mer et navigue dans le détroit de Singapour par 1° 14′ de latitude Nord, 104° 03’de longitude Est.

Et maintenant, l’étape suivante : le panneau indicateur, placé au milieu d’un rond-point de la zone touristique, m’informe que Londres est à 10.632 km, Valparaiso à 9.800 km, La Mecque à 6.650 km… et la destination qui m’intéresse, Johor Bahru, à 273 km.

… à suivre

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